La digitalisation en élevage bovin

L’essor du digital transforme le secteur de l’élevage et plus particulièrement le métier d’éleveur bovin. Des premiers outils de gestion ou de traçabilité à l’ère des capteurs et de la robotisation, on assite depuis 2020 à une montée en puissance des solutions fondées sur l’intelligence artificielle et le big data.

Décryptage des enjeux techniques, économiques et humains.

 

Qu’est-ce-que la digitalisation en élevage ?

La digitalisation dans le domaine des productions animales désigne l’intégration des outils numériques dans la gestion quotidienne et stratégique des exploitations. Elle permet de collecter, traiter et analyser des données issues des animaux, des cultures fourragères, des bâtiments ou des équipements pour améliorer le suivi technique, la productivité, le bien-être animal, les conditions de travail ou bien encore l’impact environnemental de l’élevage.

Au-delà du seul périmètre de la ferme, l’usage du numérique est aussi particulièrement utile à titre prospectif, notamment pour la modélisation des évolutions climatiques.

 

Une mutation agricole à l’œuvre depuis plus de 40 ans

Rares sont les élevages qui n’utilisent pas aujourd’hui au moins une solution numérique. Et cela fait maintenant des décennies que le mouvement est engagé. Les premiers outils datent des années 80 avec l’arrivée des premiers logiciels de gestion d’élevage qui reposaient alors sur une saisie manuelle (suivi des vêlages, reproduction, production laitière, alimentation). Dans les années 90 ce sont ensuite généralisées les premières bases de données nationales (telle que BDNI en France…). Puis les années 2000 sont marquées par l’apparition des stations de contrôle laitier automatisées, des colliers de détection d’activité et des premiers logiciels intégrés reliant données de production, reproduction et santé… Ainsi, les outils de Gestion technico-économiques (GTE) permettent de faire progresser les élevages.

 

Des outils numériques désormais incontournables

Les outils numériques sont très nombreux. L’écosystème évolue rapidement avec des décalages parfois forts entre ce qui est utilisé sur le terrain et les dernières innovations présentées en salon ou dans les médias.

Parmi les solutions les plus répandues on retrouve :

  • Les capteurs connectés et IoT : suivi des vaches (activité, rumination, chaleurs, vêlages).
  • Les logiciels de gestion d’élevage : alimentation à la carte, reproduction, sanitaire.
  • Les robots et automatisation : traite robotisée, alimentation automatisée (DAC).
  • Les drones et l’imagerie satellite : suivi des pâtures, gestion des prairies.
  • La blockchain et la traçabilité : transparence sur l’origine et la qualité des produits

Selon l’enquête Sm@rtÉlevage (IDELE, 2023), 92 % des éleveurs laitiers et 84 % des éleveurs de bovins viande disposent d’au moins un outil connecté, avec respectivement 6,6 et 2,3 outils par ferme.

Les laitiers plébiscitent les DAC (56 %), les détecteurs de chaleurs (48 %) et les compteurs à lait (47 %). Quant aux éleveurs de bovins viande, ils s’équipent plutôt de caméras (41 %), de détecteurs de vêlage (19 %) et de balances électroniques (17 %).

 

Des bénéfices tangibles sur le terrain

Dans les premiers atouts cités par les éleveurs dans l’enquête de l’IDELE se trouvent le gain de temps (pour 77 %) et la réduction de la pénibilité (pour 71 %). La robotique et les outils de surveillance du troupeau offrent une vraie liberté dans l’organisation quotidienne. D’autres soulignent une amélioration du bien-être animal et de la santé du troupeau.

La digitalisation permet également une meilleure optimisation technico-économique, le suivi d’indicateurs en temps réel, la diminution de l’impact environnemental (par exemple via l’usage de l’agriculture de précision donc moins d’intrants en cultures fourragères) et aussi l’amélioration de la traçabilité environnementale et sanitaire des produits.

 

Des freins toujours bien présents

Mais derrière ces avancées des obstacles persistent. Les éleveurs pointent du doigt les problèmes d’interopérabilité (68 %) et le manque de connectivité Internet et mobile (65 %). La qualité du réseau reste toujours un problème dans certaines zones du territoire (réseaux très faibles voire inexistants) même si les technologies sont aujourd’hui bien développées. D’autres freins sont cités par les agriculteurs : un rapport coût / bénéfice jugé parfois insatisfaisant et une complexité d’utilisation.

La question de la propriété et du partage des données reste un point sensible : si 80 % des éleveurs sont prêts à les partager avec leur vétérinaire ou leur conseiller, seuls 43 % le feraient avec des entreprises privées.

 

L’intelligence artificielle (IA), la révolution est en marche

Selon l’étude ADquation / NGPA Solutions (2025), 43 % des agriculteurs ont une image positive de l’IA, mais 69 % se disent prudents. L’IA est perçue à la fois comme une aide à la décision (42 %) et un levier d’automatisation (31 %), capable d’optimiser la gestion des tâches répétitives et des ressources.

En élevage, les usages émergents concernent :

  • la surveillance prédictive des animaux (anticiper vêlages, chaleurs, maladies),
  • les algorithmes de conduite du troupeau et de planification des accouplements,
  • l’analyse d’images et de sons pour détecter précocement des troubles de santé,
  • ou encore la gestion administrative assistée par IA (26 % des agriculteurs y voient un fort intérêt).

Les freins majeurs à l’adoption sont le coût (47 %), la confidentialité des données (41 %) et le manque de preuves concrètes de bénéfices (33 %).

 

Le numérique peut redonner du souffle à l’élevage

La digitalisation redéfinit le métier d’éleveur même si ces technologies ne remplacent pas l’expertise du terrain. En combinant robotique, data et intelligence artificielle, le pilotage des élevages devient plus précis et plus réactif. Mais se pose aussi la question centrale de la souveraineté de la donnée agricole : à qui appartiennent les informations générées par les fermes ? Qui les valorise ? En effet, l’ensemble de ces données individuelles a une valeur considérable.

Face au défi du renouvellement des générations, la digitalisation apparaît aussi comme un levier d’attractivité important. Ce sont les filières lait et bovins viande qui connaissant les taux de remplacement les plus bas respectivement de 40 % et 45 % (MSA, 2021). La robotique, la surveillance et l’analyse prédictive sont des solutions concrètes pour attirer les nouvelles générations, en donnant du temps et du confort de travail aux éleveurs.

 

Sources :

 

  • ADquation & NGPA Solutions (2025). Les agriculteurs et l’intelligence artificielle : perceptions, usages et perspectives. Enquête nationale menée auprès de 572 exploitations agricoles professionnelles.
  • IDELE (Institut de l’Élevage), Sm@rtÉlevage – Enquête nationale sur les taux d’équipement des éleveurs en outils numériques, présentée au Sommet de l’Élevage 2024. Auteurs : Clément Allain, Estelle Nicolas, Alisson Stocchetti, Adrien Lebreton. Lien